Publié le 10/09/2025 - Article rédigé pour Batiactu par Rai d'Action
La réglementation incendie dans les ERP et logements collectifs : un point majeur
Les incendies représentent un risque majeur dans les bâtiments accueillant du public ou regroupant plusieurs logements. En France, on recense
plus de 250 000 incendies chaque année, dont une partie touche des ERP ou des immeubles collectifs. Ces sinistres peuvent avoir des conséquences dramatiques : pertes humaines, destructions matérielles, interruption d’activité et coûts financiers importants.
Des enjeux de sécurité avant tout
La priorité de la réglementation incendie est de
protéger les personnes. Dans un ERP, la présence d’un grand nombre d’occupants, parfois à mobilité réduite (hôpitaux, écoles, maisons de retraite), augmente le risque lors d’une évacuation.
Pour les logements collectifs, la densité d’habitants et les installations techniques partagées (gainages, chaufferies, réseaux électriques) favorisent la propagation des flammes et des fumées.
L’objectif des prescriptions réglementaires est double :
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Empêcher l’inflammation et la propagation du feu grâce au choix des matériaux et au compartimentage des espaces.
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Faciliter l’évacuation des occupants par des cheminements protégés, un désenfumage efficace et des dispositifs d’alarme fiables.
ERP vs logements collectifs : deux contextes différents
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ERP (Établissements Recevant du Public) : obligations renforcées selon la catégorie (effectif) et le type d’activité (restaurant, commerce, hôpital…).
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Immeubles d’habitation collectifs : la réglementation vise principalement la protection des parties communes, des voies d’évacuation et des installations techniques.
Ces différences conditionnent le niveau d’exigence en termes de matériaux, d’équipements et de procédures. Dans tous les cas, l’artisan installateur joue un rôle clé pour assurer la conformité des travaux et la sécurité des occupants.
Cadre réglementaire : quelles sont les références à connaître ?
La réglementation incendie applicable aux ERP et aux immeubles collectifs repose sur plusieurs textes légaux et normatifs que tout artisan installateur doit maîtriser. Ces références déterminent les choix techniques à adopter et engagent la responsabilité des professionnels.
Le Code de la Construction et de l’Habitation (CCH)
Le CCH constitue la base légale en matière de sécurité incendie. Il impose des exigences relatives à la résistance au feu des structures, aux dispositifs d’évacuation et aux moyens de lutte contre l’incendie.
Les articles R.111-1 et suivants fixent les obligations générales pour les bâtiments d’habitation et ERP.
Les arrêtés spécifiques aux ERP
Pour les ERP, la réglementation repose principalement sur :
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L’arrêté du 25 juin 1980 (règlement de sécurité contre l’incendie dans les ERP), régulièrement mis à jour.
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Des dispositions particulières selon le type d’établissement (ex. : hôpitaux, hôtels, commerces) et la catégorie (effectif du public).
Ces arrêtés définissent notamment les règles de compartimentage, de désenfumage, d’éclairage de sécurité et de résistance au feu des matériaux.
Les immeubles d’habitation collectifs
Pour le résidentiel collectif, la référence majeure est
l’arrêté du 31 janvier 1986, qui précise les exigences en matière :
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De résistance au feu des parois (murs, planchers, portes palières).
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D’équipements de sécurité (désenfumage, détecteurs autonomes de fumée, colonnes sèches).
Normes et DTU
Au-delà des textes réglementaires, certaines normes et Documents Techniques Unifiés (DTU) complètent les obligations :
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Norme NF S 61-932 pour les systèmes de désenfumage.
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NF C 15-100 pour les installations électriques avec prescriptions de sécurité incendie.
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DTU pour les matériaux et procédés spécifiques (menuiserie, chauffage, ventilation).
Responsabilités et obligations des installateurs
L’artisan doit non seulement appliquer ces textes, mais aussi conseiller le maître d’ouvrage et délivrer les
attestations de conformité. Toute non-conformité engage sa
responsabilité civile et pénale, ainsi que la garantie décennale.
Obligations en matière de conception et d’installation
Lorsqu’un artisan intervient sur un ERP ou un immeuble collectif, il doit s’assurer que ses travaux respectent les prescriptions réglementaires en matière de sécurité incendie. Ces obligations concernent à la fois le choix des matériaux, l’agencement des locaux et la mise en œuvre des installations techniques.
Matériaux et produits utilisés
Les éléments de construction doivent répondre à des
classifications de réaction et de résistance au feu :
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Réaction au feu : capacité d’un matériau à s’enflammer et à propager les flammes (ancienne classification M0 à M4 remplacée par les Euroclasses A1 à F).
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Résistance au feu : capacité à conserver ses fonctions porteuses et coupe-feu pendant un temps donné (EI 30, EI 60, etc.).
Ces critères concernent notamment les cloisons, planchers, portes, revêtements, gaines techniques et conduits.
Compartimentage et cloisonnement
Le
compartimentage est essentiel pour limiter la propagation du feu et des fumées :
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Création de zones coupe-feu et pare-flamme.
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Installation de portes coupe-feu équipées de dispositifs de fermeture automatique.
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Traitement des trappes et passages de gaines techniques avec colliers ou obturateurs coupe-feu.
Ventilation et désenfumage
Un système de désenfumage performant est obligatoire :
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Désenfumage naturel via des exutoires ou fenêtres spécifiques.
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Désenfumage mécanique avec ventilateurs et conduits résistants au feu.
Les commandes doivent être facilement accessibles et signalées, avec un déclenchement manuel ou automatique selon les cas.
Installations électriques
Les réseaux électriques doivent être conformes à la norme
NF C 15-100 avec des dispositions spécifiques pour la sécurité incendie :
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Câbles et conduits résistants au feu dans les zones sensibles.
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Mise en place de dispositifs différentiels et de coupures d’urgence.
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Alimentation sécurisée pour l’éclairage de secours et les systèmes d’alarme.
Chauffage, gaz et combustibles
Les installations de chauffage et de gaz sont soumises à des règles strictes :
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Implantation des chaudières dans des locaux techniques conformes.
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Utilisation de conduits d’évacuation certifiés et résistants au feu.
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Interdiction de certaines installations dans les circulations ou zones à risque.
Équipements de sécurité incendie à prévoir
Au-delà de la conception et des matériaux, la réglementation impose la mise en place d’équipements spécifiques pour détecter, signaler et maîtriser un départ de feu. Ces dispositifs varient selon qu’il s’agit d’un ERP ou d’un immeuble collectif, mais leur objectif reste le même : assurer une alerte rapide et limiter la propagation des fumées et flammes.
Les premiers équipements de sécurité à installer concernent la détection et les alarmes incendie :
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ERP : installation obligatoire d’un système de sécurité incendie (SSI) adapté à la catégorie de l’établissement, comprenant :
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Détecteurs automatiques (fumée, chaleur) dans certaines zones.
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Déclencheurs manuels disposés le long des cheminements d’évacuation.
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Un tableau de signalisation centralisant les informations.
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Logements collectifs : depuis 2015, chaque logement doit être équipé d’au moins un détecteur autonome avertisseur de fumée (DAAF), conforme à la norme NF EN 14604.
Le désenfumage est quant à lui indispensable pour maintenir des voies d’évacuation praticables. Il peut être :
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Naturel : exutoires de fumée en toiture ou ouvertures en façade.
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Mécanique : ventilateurs d’extraction avec conduits résistant au feu.
Ces dispositifs doivent être
commandés manuellement et parfois
automatiquement en cas de détection.
Les moyens d’extinction
Selon la catégorie et le type de bâtiment on retiendra différents moyens pour éteindre un incendie :
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Extincteurs portatifs répartis à intervalles réguliers et adaptés aux risques (eau pulvérisée, CO2, poudre).
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Colonnes sèches ou humides dans les immeubles élevés et ERP pour faciliter l’intervention des pompiers.
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Robinets d’incendie armés (RIA) dans certains ERP, connectés à une réserve d’eau permanente.
Signalisation et éclairage de sécurité
Enfin, pour faciliter l’évacuation, une signalétique et un éclairage dédié doivent être pensés afin d’orienter les occupants des lieux même en cas de nécessité d’évacuation rapide et stressante.
Il est donc possible de recourir à :
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Panneaux photoluminescents indiquant les sorties et issues de secours.
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Éclairage de sécurité alimenté par une source autonome pour maintenir la visibilité en cas de coupure électrique.
Responsabilités des artisans installateurs
Lorsqu’un artisan intervient sur un ERP ou un immeuble collectif, il engage directement
sa responsabilité professionnelle. En cas de non-conformité aux prescriptions réglementaires, les conséquences peuvent être importantes, à la fois sur le plan civil et pénal. Si un incendie survient et qu’une installation non conforme est mise en cause, l’installateur peut être
tenu responsable des dommages causés aux personnes et aux biens, avec des sanctions allant de lourdes amendes à des peines d’emprisonnement dans les cas les plus graves.
Cette responsabilité ne se limite pas à l’exécution des travaux : elle inclut
une obligation de conseil. L’artisan doit informer son client des normes à respecter et des équipements nécessaires pour assurer la sécurité. Pour se protéger, il est indispensable de formaliser ces recommandations par écrit et de constituer un dossier regroupant les attestations de conformité, les plans et les notices techniques. Ce dossier, souvent intégré au
Dossier des Ouvrages Exécutés (DOE), peut s’avérer essentiel en cas de litige.
Par ailleurs,
la garantie décennale couvre les dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, ce qui inclut certaines non-conformités liées à la sécurité incendie. Une couverture d’assurance adaptée et le respect strict des normes en vigueur sont donc indispensables pour éviter des répercussions financières et juridiques majeures.
Article rédigé pour Batiactu par Rai d'Action.