Publié le 27/05/2025 - Article rédigé pour Batiactu par Rai d'Action
Le cadre juridique général du transport de salariés
Dans le secteur du bâtiment, lorsque plusieurs salariés se déplacent ensemble pour rejoindre un chantier, il ne s’agit pas d’un simple arrangement pratique : c’est un acte encadré juridiquement. Dès lors que ce déplacement est effectué
sur instruction de l’employeur, il entre dans le cadre du temps de travail et engage la responsabilité de l’entreprise.
Il est important de distinguer ce type de trajet du trajet domicile-travail, qui, lui, reste à la charge du salarié sauf si l’employeur en décide autrement (mise à disposition d’un véhicule, participation au transport, etc.). En revanche, un déplacement vers un chantier ou un autre site d’intervention, même s’il a lieu au départ du domicile du salarié, est considéré comme un
déplacement professionnel. Cela implique que l’employeur doit s’assurer de sa bonne organisation et de sa conformité aux règles en vigueur.
Sur le plan légal, l’employeur est tenu à une
obligation générale de sécurité, ce qui inclut la prévention des risques liés au transport. Il doit donc veiller à ce que le mode de déplacement choisi (véhicule de société, co-voiturage entre collègues, transport collectif organisé par l’entreprise) soit adapté, sécurisé, et conforme au droit du travail. À défaut, sa responsabilité peut être engagée en cas d’accident.
Pour formaliser l’organisation des déplacements groupés, il est recommandé de prévoir des consignes claires : dans une note de service, une procédure interne, voire un avenant au contrat. Cela permet d’anticiper les situations délicates (accident, retard, litige sur les frais) et d’éviter toute zone grise.
Sécurité des salariés lors des trajets : une obligation de résultat
Dans le bâtiment comme dans tout autre secteur, l’obligation de sécurité qui incombe à l’employeur ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise ou du chantier. Elle s’étend également aux trajets professionnels, notamment lorsque plusieurs salariés partagent un même véhicule pour se rendre sur un site d’intervention.
Le Code du travail (article L.4121-1) impose à l’employeur de prendre
toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des travailleurs. Cela inclut l’analyse des risques liés au transport, qu’il s’agisse de la fatigue du conducteur, du mauvais état du véhicule, ou de conditions de circulation particulières.
Organiser un transport collectif ou tolérer un co-voiturage professionnel sans encadrement peut exposer l’entreprise à des
risques juridiques, en particulier en cas d’accident. En cas d’enquête, il sera demandé si l’employeur avait mis en place des règles précises, si le véhicule utilisé était assuré et en bon état, et si le conducteur était habilité et apte à prendre le volant.
Quelques bonnes pratiques à mettre en œuvre :
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S’assurer que les véhicules utilisés sont régulièrement entretenus.
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Vérifier les permis de conduire des salariés concernés.
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Désigner un conducteur unique en cas de co-voiturage.
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Limiter les trajets trop longs ou stressants en fin de journée.
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Fournir des consignes claires en matière de conduite, de pauses et d’organisation du trajet.
Enfin, un accident survenu pendant un déplacement professionnel peut être reconnu comme
un accident du travail, avec toutes les conséquences que cela implique (déclaration à la CPAM, enquête interne, responsabilité civile ou pénale de l’employeur). D’où l’importance de prévoir en amont une organisation rigoureuse et documentée des trajets vers les chantiers.
Transport collectif ou co-voiturage professionnel : quelles options pour l’employeur ?
Face à la nécessité d’organiser les déplacements vers les chantiers, plusieurs solutions s’offrent à l’employeur. Le choix dépend du nombre de salariés concernés, de la distance à parcourir, et des moyens disponibles. Chaque option implique des règles spécifiques, tant sur le plan logistique que juridique.
Le transport collectif organisé par l’entreprise
Certaines entreprises du bâtiment disposent de véhicules utilitaires ou de minibus affectés au transport des équipes. Cette solution présente plusieurs avantages :
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Meilleur contrôle sur les conditions de transport : entretien du véhicule, désignation d’un conducteur, assurance adaptée.
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Responsabilisation claire de l’employeur : le cadre est maîtrisé, ce qui limite les risques en cas d’accident.
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Optimisation du temps de travail : les départs groupés permettent une meilleure coordination sur le chantier.
Cependant, cette organisation suppose une planification rigoureuse : mise à disposition de véhicules conformes, assurance spécifique pour le transport de personnes, gestion des plannings et des horaires de départ.
Le co-voiturage professionnel entre collègues
Le co-voiturage entre salariés souvent informel est une pratique courante dans les petites structures ou sur les chantiers éloignés. Mais cette solution, si elle peut sembler simple, nécessite d’être encadrée pour éviter les dérives :
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L’employeur ne peut pas imposer le co-voiturage à ses salariés.
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Il est toutefois possible de l’encourager, notamment par la mise en place d’une indemnité spécifique ou d’un système de compensation.
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Il est fortement conseillé d’établir un protocole de co-voiturage précisant les règles d’organisation, les responsabilités, et les consignes de sécurité.
Même si les salariés utilisent leur propre véhicule, l’employeur peut être impliqué en cas d’accident, notamment si le déplacement est effectué dans le cadre du travail.
Frais et gestion administrative
Qu’il s’agisse de transport collectif ou de co-voiturage, la question des frais est centrale :
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Véhicule de société : les frais sont à la charge de l’entreprise (carburant, péages, entretien, assurance).
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Véhicule personnel : le salarié peut prétendre à une indemnisation (barème kilométrique, frais réels, etc.), à condition que l’usage de son véhicule ait été autorisé par l’employeur.
Enfin, il est recommandé de conserver une
traçabilité des déplacements : feuilles de route, relevés de kilomètres, planning des trajets… Cela permet de mieux gérer les remboursements et de protéger l’entreprise en cas de litige.
Assurance : que couvre-t-elle en cas de transport groupé ?
Lorsqu’un ou plusieurs salariés se rendent ensemble sur un chantier, la question de l’assurance est cruciale. En cas d’accident pendant le trajet, la couverture dépend de plusieurs facteurs : le type de véhicule utilisé, son propriétaire, la nature du trajet, et les responsabilités engagées.
Véhicule de société : une couverture encadrée
Si les salariés utilisent un véhicule appartenant à l’entreprise, ce dernier doit être couvert par une assurance professionnelle incluant :
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La responsabilité civile obligatoire,
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Une garantie pour les dommages causés aux passagers,
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Idéalement, des options complémentaires : tous risques, assistance, garantie conducteur, etc.
Dans ce cas, les passagers sont considérés comme tiers, et donc indemnisés en cas d’accident, même si le conducteur salarié est fautif. L’entreprise reste responsable de la conformité du véhicule et du respect des conditions d’utilisation (entretien, autorisation de conduite, surcharge, etc.).
Véhicule personnel : une zone plus floue
En cas de co-voiturage entre collègues avec un véhicule personnel, la situation est plus délicate :
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C’est l’assurance personnelle du conducteur qui intervient en premier lieu.
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Le transport de collègues dans le cadre professionnel peut être considéré comme un usage non déclaré par certaines compagnies, ce qui peut limiter l’indemnisation.
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En cas d'accident, le salarié conducteur peut se retrouver seul responsable sur le plan civil, voire pénal, si l'employeur n’a pas donné d'instructions claires.
Il est donc fortement recommandé :
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De vérifier les conditions du contrat d’assurance auto du salarié conducteur,
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De formaliser par écrit l’accord de co-voiturage, en précisant qu’il s’inscrit dans le cadre professionnel,
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De prévoir, si possible, une assurance mission pour couvrir les déplacements professionnels effectués avec des véhicules personnels.
Reconnaissance d’un accident de trajet ou de travail
Un accident survenant lors d’un transport collectif ou co-voituré peut être reconnu comme :
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Un accident du trajet (entre domicile et chantier, sous certaines conditions),
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Ou un accident du travail, si le déplacement a lieu dans le cadre d’une mission professionnelle.
Cette distinction influence la couverture sociale du salarié (prise en charge par la Sécurité sociale, éventuelles responsabilités de l’entreprise, indemnisation). D’où l’importance de déclarer tout accident, même mineur, dans les délais légaux, et de conserver les éléments de preuve relatifs au déplacement.
Article rédigé pour Batiactu par Rai d'Action.