Publié le 19/11/2025 - Article rédigé pour Batiactu par Rai d'Action
Sous-traitance en 2026 : pourquoi les risques augmentent
L’organisation d’un chantier via un système de sous-traitance reste tout à fait légale et courante. Cependant, plusieurs évolutions législatives et pratiques renforcent la vigilance à adopter par l’artisan donneur d’ordre.
1. Chaînes d’intervention plus complexes
Aujourd’hui, un artisan principal peut faire appel à un sous-traitant, qui lui-même peut en engager un autre, ce qui
crée plusieurs paliers. Plus cette chaîne s’allonge, plus
la traçabilité devient difficile et plus le risque que l’un des maillons ne respecte pas ses obligations s’accroît.
Cela signifie donc que l’artisan initial est susceptible d’être tenu responsable, même pour des travaux qu’il n’a pas directement exécutés.
2. Contrôles administratifs et fiscaux renforcés
Les organismes de contrôle (DGCCRF, URSSAF, DREETS…) sont de plus en plus attentifs à :
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la conformité des chaînes de sous-traitance,
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le respect des obligations de déclaration et d’affiliation du sous-traitant,
-
la vérification que les aides publiques liées aux travaux (notamment à la rénovation énergétique) n’ont pas été obtenues par des pratiques frauduleuses.
Par exemple, la réforme issue de la Loi n° 2025?594 du 30 juin 2025
renforce la transparence lorsque de la sous-traitance est utilisée, notamment en matière de rénovation énergétique.
Cette montée en exigence implique pour l’artisan d’être particulièrement vigilant sur les intervenants qu’il mandate, mais aussi sur la conformité documentaire de chacun d’eux.
3. Exigences contractuelles et assurantielles plus strictes
Les maîtres d’ouvrage et les financeurs (publics ou privés) exigent de plus en plus que les entreprises titulaires soient en conformité sur plusieurs points : qualification, assurances à jour, justificatifs prêts, label de qualité.
Par la loi du 30 juin 2025, pour certains travaux de
rénovation énergétique, à partir du 1er janvier 2026, le recours à la sous-traitance sera limité à
deux niveaux maximum.
De plus, l’obligation d’informer le client lorsqu’un sous-traitant est utilisé et, le cas échéant, de communiquer s’il détient ou non le label RGE intervient comme une nouvelle contrainte lourde pour l’artisan donneur d’ordre.
En clair, le champ de responsabilité de l’artisan se trouve élargi. Non seulement il doit s’assurer de sa propre conformité mais également de celle des sous-traitants qu’il mobilise.
Obligations clés de l’artisan donneur d’ordre
Faire intervenir un sous-traitant ne se limite pas à une simple relation commerciale. En 2026, l’artisan doit démontrer qu’il a exercé un véritable contrôle préalable et continu sur la conformité de l’entreprise qu’il mandate. Les obligations sont multiples et concernent autant les assurances que la lutte contre le travail dissimulé ou la sécurité sur chantier.
Vérifier les assurances professionnelles
Avant le début des travaux, l’artisan doit obtenir des
justificatifs d’assurance à jour. Cette vérification n’est pas une formalité administrative. Elle conditionne directement la couverture en cas de sinistre.
L’assurance décennale du sous-traitant doit correspondre précisément au type d’ouvrage confié. Une garantie dont le périmètre ne couvre pas la tâche effectuée peut entraîner des
refus d’indemnisation. L’artisan donneur d’ordre, lui, reste juridiquement impliqué même si le défaut provient du sous-traitant. C’est également le cas pour la responsabilité civile professionnelle, indispensable pour les dommages causés pendant le chantier.
Lutte contre le travail dissimulé
La réglementation impose de vérifier que le sous-traitant
exerce son activité légalement. Cela passe par le contrôle d’un certain nombre de documents :
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extrait Kbis,
-
certificat d’affiliation à l’URSSAF,
-
attestation de vigilance,
-
pièce d’identité du dirigeant, etc.
En cas de manquement, la responsabilité de l’artisan peut être engagée au titre de la solidarité financière (redressements URSSAF, amendes ou annulation de certains avantages fiscaux) notamment lorsqu’il s’agit de travaux éligibles à des aides publiques. La réforme visant à mieux lutter contre la fraude aux aides à la rénovation énergétique accentue ce risque en plaçant le donneur d’ordre au centre du dispositif de vigilance.
Conditions de sécurité et santé au travail
Sur un chantier, l’obligation de sécurité est partagée mais le donneur d’ordre
conserve un rôle central. Dès l’arrivée du sous-traitant, il doit s’assurer que les moyens de protection sont en place, que les consignes sont connues et que le personnel est autorisé à intervenir sur les zones concernées.
Cette obligation est renforcée lorsqu’il existe
plusieurs niveaux de sous-traitance. Plus la structure s’étend, plus les responsabilités se superposent, et un défaut de coordination peut être reproché à l’entreprise principale, même si l’incident survient au sein d’une équipe tierce.
Le cadre contractuel
Un contrat de sous-traitance complet sécurise le chantier sur plusieurs points : nature exacte des travaux confiés, responsabilités, assurances, prix, délais, pénalités éventuelles ou encore obligations documentaires.
Dans un contexte où les contrôles et les exigences sont renforcés, ce document permet aussi de
tracer les engagements de chacune des parties. Il constitue un élément de preuve essentiel pour démontrer que l’artisan a exercé les vérifications nécessaires avant de confier des travaux.
Responsabilités et sanctions possibles
Lorsqu’un artisan fait intervenir un sous-traitant, il engage automatiquement sa propre responsabilité. Cette responsabilité peut être civile, pénale, administrative ou même assurantielle. En 2026, les contrôles plus poussés et l’allongement des chaînes d’intervention rendent chaque maillon particulièrement exposé.
Responsabilité civile et décennale
En matière de construction, la jurisprudence reste constante. Le donneur d’ordre peut être
mis en cause même si le désordre provient exclusivement des travaux du sous-traitant.
La garantie décennale, elle, ne s’applique qu’aux entreprises qui ont directement contribué à l’ouvrage, mais cela ne protège pas pour autant l’artisan contre un recours du maître d’ouvrage. En cas de défaut de conception, d’erreur de pose ou de non-conformité imputable au sous-traitant, le donneur d’ordre peut être poursuivi, puis
se retourner contre l’entreprise ayant commis la faute. Ce mécanisme fonctionne sur le papier, mais il devient difficile si le sous-traitant n’est pas assuré, si son attestation n'est pas valide ou si son activité réelle ne correspond pas à son contrat d’assurance.
Engagement pénal en cas de manquements graves
L’artisan peut voir sa responsabilité pénale engagée dans plusieurs situations :
-
absence de vérification des assurances ou des documents légaux du sous-traitant,
-
manquement aux obligations de sécurité lorsque celui-ci intervient sur un chantier occupé ou risqué,
-
emploi d’un sous-traitant non déclaré ou en situation irrégulière.
Dans ces cas, les sanctions peuvent aller d’
amendes importantes à des
peines restrictives d’activité, voire des
interdictions temporaires d’exercer. Le risque est amplifié lorsque le chantier concerne des travaux éligibles à des aides publiques, car tout manquement peut être interprété comme une participation à une fraude.
Conséquences en cas de sinistre ou d’accident du travail
Un sinistre
provoqué par un sous-traitant peut entraîner un retournement contre l’artisan si celui-ci n’a pas vérifié la solidité du dossier d’assurance ou si la mission confiée dépasse le périmètre déclaré par l’entreprise tierce.
En parallèle, un accident du travail grave impliquant un sous-traitant peut conduire à
une enquête de l’inspection du travail ou de la DREETS. Si l’artisan n’a pas assuré la coordination des mesures de sécurité ou n’a pas transmis les consignes obligatoires, sa responsabilité peut être retenue pour mise en danger ou défaut de prévention.
Sanctions administratives et financières
En cas de contrôle, l’absence d’un seul document peut suffire à engager une solidarité financière entre l’artisan et le sous-traitant. Cela se traduit par des redressements de cotisations, des pénalités ou la remise en cause de subventions liées au chantier.
La montée des exigences en matière de lutte contre la fraude aux aides de rénovation renforce également les sanctions. L’artisan qui n’a pas informé son client de l’intervention d’un sous-traitant, ou qui fait travailler un intervenant non déclaré pour une opération subventionnée, peut être tenu de
rembourser tout ou partie des aides.
Comment sécuriser sa sous-traitance au quotidien
La meilleure façon de réduire les risques reste
une organisation simple et systématique. Avant tout, chaque intervention doit être précédée d’une vérification rapide mais rigoureuse : attestations d’assurance valides, extrait d’immatriculation, certificat URSSAF et cohérence entre l’activité déclarée et les travaux réellement confiés. Une fois ces documents collectés, il est utile de
conserver une trace datée afin de pouvoir démontrer sa vigilance en cas de contrôle.
Sur chantier, une courte
réunion de démarrage suffit souvent à rappeler les consignes essentielles :
-
zones à risque,
-
équipements de protection attendus,
-
modalités de circulation,
-
tâches confiées.
L’objectif n’est pas d’alourdir la gestion, mais de montrer que
l’artisan garde la maîtrise de l’intervention du sous-traitant. Un
suivi régulier, même léger, permet d’ajuster les méthodes, de vérifier l’avancement et de prévenir les dérives techniques qui pourraient impacter la conformité finale.
Enfin,
une réception formelle des travaux réalisés par le sous-traitant sécurise la fin de mission. Elle permet de constater les éventuels défauts, de les faire corriger immédiatement et de disposer d’un document qui témoigne du contrôle effectué, un élément précieux en cas de litige.
Article rédigé pour Batiactu par Rai d'Action.