Publié le 05/11/2025 - Article rédigé pour Batiactu par Rai d'Action
Les nouvelles règles : ce qui change au 10 septembre 2025
Les règles encadrant les congés payés et les arrêts maladie ont été profondément modifiées à la suite d’un arrêt de la
Cour de cassation du 10 septembre 2025. Par cette décision, la haute juridiction a mis le droit français en conformité avec le
droit européen, qui reconnaît aux salariés malades le droit d’acquérir et de reporter leurs congés payés. Pour les entreprises du BTP, ces évolutions imposent de revoir la gestion des absences et les pratiques de paie.
La décision de la Cour de cassation et l’alignement avec le droit européen
Jusqu’à présent, un salarié en arrêt maladie non professionnel ne pouvait pas acquérir de congés payés pendant cette période.
Seuls les arrêts liés à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ouvraient ce droit.
La Cour de cassation a jugé cette distinction contraire au droit de l’Union européenne, selon lequel tout salarié doit bénéficier d’un droit à congé annuel payé, même lorsqu’il est en incapacité temporaire de travail.
Cette décision met donc fin à une inégalité de traitement entre salariés malades selon l’origine de leur arrêt.
Le report des congés payés en cas de maladie
Autre changement majeur : lorsqu’un salarié tombe malade
avant ou pendant ses congés payés, il pourra désormais
reporter les jours non pris à une date ultérieure.
Jusqu’à présent, un salarié malade pendant ses congés ne pouvait en général pas les récupérer, sauf dispositions conventionnelles favorables. Désormais, le report devient un droit automatique, sous réserve d’un certificat médical attestant de l’incapacité de travail.
Pour un chef d’entreprise du BTP, cela signifie qu’un salarié prévu en congé sur une période clé du chantier pourrait finalement reporter ses jours, perturbant l’organisation initiale.
L’acquisition de congés pendant un arrêt maladie
Le deuxième volet de la réforme concerne
l’acquisition des congés pendant un arrêt maladie.
Désormais, tous les arrêts maladie, qu’ils soient d’origine professionnelle ou non, ouvrent droit à l’acquisition de congés payés, dans la limite de
4 semaines par an.
Cette mesure entraîne une hausse du nombre de jours de congé à solder pour certains salariés, et donc un impact financier pour l’employeur : indemnités compensatrices plus importantes, reports de congés sur l’année suivante, ou encore déséquilibre dans la répartition des congés entre équipes.
Rétroactivité et limites d’application
L’une des particularités de cette réforme est sa
rétroactivité. Les salariés peuvent en effet réclamer des droits à congés pour les périodes d’arrêt maladie passées, dans la limite de
trois ans (délai de prescription applicable en matière de salaire).
Les entreprises doivent donc s’attendre à d’éventuelles
demandes de régularisation de la part d’anciens ou d’actuels salariés.
Toutefois, le législateur a posé des limites :
-
Le nombre total de congés ne peut dépasser le plafond légal annuel (généralement cinq semaines) ;
-
Les reports doivent intervenir dans un délai raisonnable, généralement 15 mois, sauf dispositions conventionnelles plus favorables ;
-
Le salarié doit fournir un justificatif médical valide couvrant la période d’incapacité.
Conséquences pour les chantiers : impacts pratiques et financiers
Dans le secteur du bâtiment, où les plannings sont souvent tendus et les effectifs limités, les nouvelles règles relatives aux congés payés et aux arrêts maladie entraînent des répercussions immédiates. Ces changements modifient la manière dont les entreprises planifient leurs équipes, gèrent les absences et maîtrisent leurs coûts.
Absences prolongées et désorganisation des équipes
L’un des premiers effets de la réforme est l’
allongement potentiel des périodes d’absence.
Un salarié malade peut désormais cumuler arrêt maladie et report de congés payés. Par exemple, un compagnon tombant malade avant ses congés d’été pourra repousser ceux-ci à la fin de son arrêt, prolongeant ainsi son absence.
Dans un chantier où chaque poste compte, cette situation crée un
risque de désorganisation :
-
retard dans les travaux,
-
difficulté à assurer la coordination entre corps d’état,
-
surcharge pour les collègues restants.
Les entreprises doivent donc intégrer cette nouvelle variable dans leur planification, en prévoyant des marges de manœuvre plus larges.
Ajustement des plannings et gestion des reports
Le
report des congés non pris complexifie la gestion des plannings, surtout dans les périodes d’activité soutenue (été, fin d’année).
Dans les petites structures, où chaque ouvrier occupe une fonction clé, il devient difficile d’accorder des reports sans impacter la production.
Les conducteurs de travaux et chefs de chantier devront renforcer la
coordination entre les équipes et anticiper davantage les absences pour éviter les blocages.
Certaines entreprises choisiront d’instaurer des
plafonds internes de report ou d’étaler les congés sur l’année, en concertation avec leurs salariés et la caisse de congés payés du BTP.
Coûts liés aux remplacements et à la sous-traitance
Au-delà de la désorganisation, la réforme induit des
coûts supplémentaires.
Chaque journée de congé reportée représente un droit acquis à indemniser, même si le salarié ne revient pas immédiatement au travail.
Les entreprises doivent alors faire face à :
-
des charges de personnel accrues, avec davantage de jours de congé à solder ;
-
des dépenses de remplacement, via intérim ou sous-traitance, pour maintenir le rythme du chantier ;
-
une perte de productivité, notamment sur les tâches nécessitant une main-d’œuvre qualifiée difficile à remplacer.
Ces coûts peuvent s’avérer particulièrement lourds pour les
TPE et PME du bâtiment, déjà confrontées à des marges réduites et à des contraintes de trésorerie.
Risques juridiques et de contentieux
Enfin, la mauvaise application des nouvelles règles peut exposer l’employeur à des
sanctions.
Refuser un report de congé, ne pas comptabiliser des droits acquis pendant un arrêt maladie ou omettre une régularisation rétroactive peut être assimilé à un
manquement à l’obligation de paiement du salaire.
Des contentieux prud’homaux sont donc à prévoir, notamment pour les salariés ayant connu de longs arrêts maladie ces dernières années.
Pour limiter ces risques, les entreprises du BTP doivent sécuriser leurs pratiques : tenir des registres de congés à jour, formaliser les échanges avec les salariés et conserver les justificatifs médicaux.
Les obligations de l’employeur du BTP et les bonnes pratiques à adopter
Face à ces nouvelles règles, les employeurs du bâtiment doivent non seulement adapter leurs pratiques internes, mais aussi s’assurer de leur conformité légale. Les obligations liées aux congés payés, à la traçabilité des absences et à la communication avec les salariés deviennent plus exigeantes. Pour éviter tout contentieux ou désorganisation, certaines bonnes pratiques peuvent être mises en place dès maintenant.
Information du salarié et traçabilité des congés
L’employeur a désormais le devoir d’
informer clairement les salariés de leurs droits à report et à acquisition de congés pendant un arrêt maladie.
Cette information peut être communiquée :
-
dans le règlement intérieur,
-
via une note de service ou un affichage,
-
ou au moment de la reprise du travail après un arrêt maladie.
Parallèlement, la
traçabilité devient essentielle. Chaque absence doit être consignée avec précision, en distinguant les jours d’arrêt et les droits à congés générés.
Les entreprises doivent mettre à jour leur
registre du personnel et leurs outils RH, afin de pouvoir justifier à tout moment des droits acquis par un salarié.
Mise à jour des outils RH, paie et suivi de chantier
Les logiciels de paie, tableaux de suivi ou outils de planification doivent être
paramétrés pour intégrer ces nouvelles règles.
Dans le BTP, où la gestion passe souvent par des outils partagés entre le siège et les chantiers, cette mise à jour est indispensable pour éviter les erreurs de calcul ou de report.
Les responsables administratifs doivent notamment :
-
vérifier que les arrêts maladie déclenchent bien l’acquisition de congés payés dans la limite de 4 semaines par an ;
-
prévoir un suivi automatique des reports de congés non pris ;
-
calculer les indemnités compensatrices correctes en cas de départ du salarié.
Une collaboration étroite entre les services RH, la comptabilité et les conducteurs de travaux est donc nécessaire pour fiabiliser la gestion des absences.
Solutions de continuité : intérim, groupement d’employeurs, sous-traitance
Dans un chantier, une absence imprévue ne peut pas toujours attendre la fin de l’arrêt. Les entreprises doivent mettre en place des
solutions de remplacement rapides et fiables.
Plusieurs options existent :
-
recourir à l’intérim, particulièrement pour les postes d’exécution ;
-
faire appel à la sous-traitance, notamment pour des tâches ponctuelles nécessitant des compétences spécifiques ;
-
adhérer à un groupement d’employeurs, permettant de mutualiser la main-d’œuvre entre plusieurs entreprises locales.
Ces solutions ont un coût, mais elles permettent d’assurer la continuité du chantier et d’éviter les pénalités de retard. Les entreprises peuvent également négocier avec leurs clients des
clauses de flexibilité, tenant compte de ces nouvelles contraintes légales.
Coordination avec la caisse de congés payés du BTP
Le secteur du bâtiment possède une spécificité : la
gestion des congés payés par les caisses professionnelles (comme la CIBTP).
Les employeurs doivent désormais communiquer plus précisément les périodes d’arrêt maladie et leurs conséquences sur les droits à congés.
Les caisses adapteront progressivement leurs procédures pour intégrer ces nouvelles dispositions, mais les entreprises ont tout intérêt à se rapprocher de leur caisse afin de :
-
vérifier les règles de report applicables ;
-
anticiper les régularisations de congés pour les arrêts maladie antérieurs ;
-
sécuriser la gestion des droits en cas de départ d’un salarié.
Cette coordination est un gage de conformité et de simplification administrative, surtout pour les entreprises multi-chantiers.
Article rédigé pour Batiactu par Rai d'Action