Publié le 05/11/2025 - Article rédigé pour Batiactu par Rai d'Action
Un phénomène en forte progression : comprendre les risques et leurs conséquences
Les vols sur chantier ne sont plus des faits isolés. Ils touchent aujourd’hui l’ensemble du secteur du BTP, quelle que soit la taille de l’entreprise ou la nature des travaux. Le phénomène s’est accentué avec la hausse du prix des matériaux et la pénurie d’équipements, rendant les chantiers particulièrement attractifs pour les délinquants.
Selon les dernières estimations de la Fédération française du bâtiment (FFB),
plus d’un chantier sur deux aurait déjà subi au moins un vol. Le coût global serait évalué à
plus d’un milliard d’euros par an, sans compter les dommages indirects.
Les vols concernent aussi bien les grands chantiers urbains que les petites opérations en zones périurbaines, avec une recrudescence la nuit, le week-end ou lors des périodes de congés. Le phénomène s’étend également aux dépôts et bases logistiques des entreprises, souvent plus vulnérables.
Des cibles variées mais très convoitées
Les malfaiteurs visent avant tout les
biens à forte valeur de revente et faciles à transporter.
Parmi les objets les plus volés :
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L’outillage électroportatif, revendu rapidement sur le marché parallèle ;
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Les matériaux neufs, notamment le cuivre, les câbles électriques, les métaux ou les isolants ;
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Les engins de chantier, parfois dérobés sur commande et exportés à l’étranger ;
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Le carburant, devenu une cible fréquente depuis la flambée des prix.
Les vols peuvent être opportunistes ou organisés. Dans certains cas, ils résultent d’un
repérage minutieux et d’une logistique bien rodée.
Des conséquences économiques et opérationnelles lourdes
Les pertes financières directes (valeur du matériel ou du stock dérobé) ne représentent qu’une partie du problème. Les répercussions se traduisent par :
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Des retards de chantier, le temps de remplacer les équipements ou matériaux ;
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Des surcoûts imprévus, liés au rachat d’outils, au renforcement des mesures de sécurité ou aux pénalités contractuelles ;
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Des tensions entre intervenants, notamment lorsque les responsabilités ne sont pas clairement établies ;
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Une hausse des primes d’assurance, en cas de sinistres répétés.
Pour les petites structures, un vol important peut même remettre en cause la continuité de l’activité.
Des modes opératoires de plus en plus sophistiqués
Si certains vols sont commis par opportunisme, d’autres relèvent d’un véritable
ciblage organisé. Les auteurs peuvent se présenter comme des livreurs, des sous-traitants ou des ouvriers pour s’introduire sur le chantier.
Les cambrioleurs profitent souvent :
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de l’absence de clôture ou d’un éclairage insuffisant,
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de matériels non identifiés ou non marqués,
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ou encore d’un manque de coordination entre entreprises sur site.
Certains n’hésitent pas à démonter des installations (portes, radiateurs, câbles) peu avant la livraison du chantier, causant des dégâts supplémentaires.
Prévenir le vol : les mesures à mettre en place avant et pendant le chantier
La prévention reste la meilleure défense contre le vol. Un chantier bien organisé, équipé et surveillé dissuade la plupart des tentatives. Les solutions doivent être pensées dès la préparation du projet, adaptées à la taille du site et à la valeur des biens exposés.
Évaluer le risque dès la préparation du chantier
Avant même le démarrage, une
analyse de vulnérabilité s’impose. Elle consiste à identifier les points faibles : localisation du site, accès possibles, voisinage, type de matériel entreposé, valeur du stock, durée du chantier.
Cette évaluation permet de calibrer les mesures de sécurité : simple clôture pour un petit chantier, dispositif de surveillance renforcé pour les opérations d’envergure.
Les maîtres d’ouvrage et les entreprises générales ont tout intérêt à intégrer cette réflexion dans leur
plan d’installation de chantier (PIC).
Organiser et contrôler les accès
Un site ouvert à tous est un site à risque. La première étape consiste à
délimiter clairement le périmètre :
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clôtures pleines ou grillagées d’une hauteur minimale de 2 mètres,
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portails verrouillables,
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signalétique interdisant l’accès au public.
L’accès doit être limité aux seules personnes autorisées : salariés, sous-traitants, livreurs identifiés. L’usage de
badges, registres d’entrée ou codes temporaires permet de tracer les passages et de repérer toute anomalie.
Sur les grands chantiers, certains optent pour des
agents de sécurité ou un
gardiennage nocturne lors des phases sensibles.
Miser sur les dispositifs techniques
Les solutions technologiques se sont considérablement développées ces dernières années.
Parmi les outils les plus efficaces :
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L’éclairage automatique : un chantier bien éclairé décourage les intrusions nocturnes.
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Les alarmes connectées : elles détectent les mouvements ou les ouvertures non autorisées et alertent en temps réel.
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La vidéosurveillance mobile : grâce à des caméras autonomes (batterie ou solaire), les images peuvent être consultées à distance.
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Le marquage du matériel : graver ou identifier les outils avec un code unique facilite leur traçabilité et leur restitution en cas de vol.
Ces équipements représentent un coût, mais ils offrent souvent un
retour sur investissement rapide en limitant les sinistres.
Impliquer le personnel et les partenaires
La sécurité d’un chantier repose aussi sur
la vigilance des équipes. Les salariés doivent être sensibilisés aux bons réflexes :
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ne pas laisser les clés sur les engins,
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ranger le matériel en fin de journée,
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signaler toute présence suspecte.
Une
procédure interne claire doit préciser qui est responsable de la fermeture du site, du contrôle des accès et de la vérification quotidienne du matériel.
De même, il est recommandé d’établir une
charte de sécurité partagée avec les sous-traitants afin d’assurer une cohérence d’ensemble.
Coopérer avec l’environnement du chantier
Les chantiers situés en zone habitée bénéficient souvent d’une surveillance naturelle. Entretenir de bonnes relations avec les riverains, les commerçants ou les gardiens d’immeubles peut s’avérer précieux.
Certains maîtres d’œuvre vont plus loin en signalant le chantier à la
gendarmerie ou au commissariat local, qui peuvent inclure le site dans leurs patrouilles régulières.
Des partenariats locaux
“chantiers vigilants” se développent d’ailleurs dans plusieurs régions, sur le modèle des “voisins vigilants”.
L’assurance contre le vol sur chantier : garanties, limites et obligations
Même avec des mesures de prévention efficaces, aucun chantier n’est totalement à l’abri d’un vol. C’est pourquoi une
bonne couverture d’assurance reste indispensable. Toutefois, les garanties diffèrent selon les contrats et les acteurs impliqués.
Les principales assurances concernées :
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L’assurance “tous risques chantier” (TRC) : elle couvre la plupart des dommages subis pendant l’exécution des travaux, y compris le vol de matériel ou de matériaux, sous certaines conditions.
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L’assurance du matériel professionnel : souvent souscrite par les entreprises de BTP, elle protège l’outillage, les engins et équipements, qu’ils soient stockés sur chantier ou transportés.
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L’assurance vol des bases vie ou dépôts : utile lorsque le matériel est entreposé hors site.
Mais attention :
les exclusions sont nombreuses. La plupart des contrats exigent des conditions strictes pour que l’indemnisation soit possible :
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vol commis avec effraction prouvée,
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matériel entreposé dans un local fermé à clé ou un conteneur sécurisé,
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respect des mesures de surveillance prévues dans le contrat.
L’absence de clôture, une négligence dans la fermeture du site ou un stockage à l’air libre peuvent entraîner
le refus de prise en charge.
Il est donc essentiel de vérifier régulièrement les conditions de garantie, de déclarer les nouveaux chantiers à l’assureur, et de conserver les factures et numéros de série des équipements pour faciliter toute réclamation.
Les maîtres d’ouvrage, quant à eux, doivent s’assurer que leurs entreprises intervenantes disposent bien des assurances adéquates et à jour. Cette vérification peut être intégrée dans les documents contractuels ou lors des réunions de chantier.
En cas de vol : comment réagir et quelles démarches effectuer ?
Malgré toutes les précautions, un vol peut survenir. Dans ce cas, la rapidité et la rigueur des démarches sont déterminantes, tant pour l’enquête que pour l’indemnisation.
1. Sécuriser les lieux et constater les faits
La première étape consiste à
préserver la scène : ne rien déplacer, relever les traces d’effraction, photographier les dégâts et dresser un inventaire précis du matériel manquant. Ces éléments serviront de preuves à la fois pour les forces de l’ordre et pour l’assureur.
2. Déposer plainte sans délai
La plainte doit être déposée
dans les 24 heures auprès de la gendarmerie ou du commissariat. Il est important d’y joindre toutes les informations utiles : numéros de série, factures, photos, coordonnées de témoins éventuels.
Un récépissé de dépôt de plainte vous sera remis : il constitue une pièce indispensable à la déclaration de sinistre.
3. Informer immédiatement l’assureur
La déclaration de sinistre doit généralement être effectuée
sous 5 jours ouvrés (variable selon les contrats). L’entreprise devra fournir :
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la copie de la plainte,
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la liste détaillée des biens volés,
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les preuves de propriété et de valeur,
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le constat des dommages sur site.
Certains assureurs exigent la visite d’un expert avant toute réparation ou remplacement. Mieux vaut donc éviter toute intervention prématurée.
4. Réorganiser le chantier
Enfin, il faut rapidement
réévaluer le planning et les moyens disponibles : rachat ou location d’outillage, sécurisation renforcée, communication avec le maître d’ouvrage.
Une gestion réactive permet de limiter les retards et d’éviter un effet domino sur les autres corps de métier.
Article rédigé pour Batiactu par Rai d'Action.